mercredi 30 janvier 2008

Dix années de travail

Le projet élaboré par les Amis des Orgues de Saint-Thibaut (AOST) fut retenu par la Commission nationale des orgues non classés et défendu par le conseil général des Yvelines ainsi que les municipalités du Pecq et de Marly-le-Roi. Le budget global fut estimé à quelque 400 000 €. Le financement est assuré grosso modo pour un quart par l’État, un quart par la Région Ile-de-France, un sixième par le département des Yvelines, un dixième par l’Association diocésaine de Versailles, propriétaire de l’église et destinataire de l’instrument, 3% par les communes, 7,5% par des fonds parlementaires débloqués par les députés du secteur (Marly et Le Pecq ne se situent pas dans la même circonscription). Les 11% restants sont pourvus par les fonds récoltés pas l’association elle-même.

Mais tout ce beau montage était suspendu à la signature du ministre de la Culture. Cela, comme aurait dit Fernand Reynaud, a mis « un certain temps ». M. Donnedieu de Vabres signa toute fin 2004 la convention qui devait tout débloquer.

Un appel d’offres fut lancé en 2005 dans le Bulletin officiel des marchés publics en direction des facteurs d’orgues européens et un technicien conseil agréé par le ministère choisi pour défendre le projet et assurer le bon déroulement des opérations jusqu’à la réception de l’orgue. Il s'agit d'Éric Brottier.
Les facteurs intéressés furent tenus au courant des aspirations et exigences inhérentes au projet de ce nouvel orgue. Sur les quatorze candidatures reçues, la commission d’examen en retint d’abord huit susceptibles de correspondre au plus près au projet de l’association. Parmi les propositions affinées par les facteurs d’orgues pressentis, quatre furent retenues pour aboutir à un devis accompagné de plans détaillés, qui devait être défendu le 12 janvier 2006 devant la commission de sélection. Après la prestation de chacun des impétrants, la commission choisit à l’unanimité le projet de la Manufacture d’orgues Kern de Strasbourg (67). Après quoi il fallut soumettre ce choix à l’agrément ministériel.

Voici la composition définitive de l’orgue Kern de Saint-Thibaut au Pecq.

Dans le tableau, les couleurs correspondent aux types de jeu.
Vert = Jeu de fond à bouche (type flûte à bec)
Rouge = Jeu de mutation simple (un tuyau par note)
Bleu = Jeu de mutation composée (plusieurs tuyaux par note)
Orangé = Jeu d’anche (type clarinette).


1er clavier : Grand-Orgue – 10 jeux *
1. Quintaton 16’
2. Principal 8’ (jeu de montre)
3. Rohrflöte 8' (Flûte à cheminée)
4. Principal 4’
5. Octave 2’
6. Quinte 2’2/3
7. Cornet V
8. Mixtur IV (Fourniture)
9. Dulzian 16’ (Douçaine)
10. Trompette 8’

* A ces 10 jeux s'ajoute la Viole de Gambe 8', commune au Positif et au Grand-Orgue.

2e clavier : Positif – 8 jeux
1. Bourdon 8’
2. Viole de Gambe 8’
3. Spitzflöte 4’ (Flûte à fuseau)
4. Octave 2’
5. Nasard 2’2/3
6. Quinte1’1/3
7. Sesquialtera II
8. Krummhorn 8’ (Cormorne)

Pédalier : Pédale – 5 jeux
1. Soubasse 16’
2. Principal 8’
3. Flûte 4’

4. Posaune 16’ (Trombone)
5. Trompette 8’

Cet ensemble est complété par l’Accouplement du clavier de Positif sur celui de Grand-Orgue et par les Tirasses, qui appellent au pédalier les jeux tirés au Grand-Orgue ou au Positif. Un autre dispositif, dénommé Tremblant, en variant légèrement le débit d’air, confère un vibrato au son émis.


Plan en élévation de l'orgue Kern de Saint-Thibaut au Pecq (78).


Instrument équilibré. Buffet original, pas vrai ?
Mais ce n'est plus l'instrument projeté. Bien qu'il comporte aussi 23 jeux, ceux-ci sont répartis sur deux claviers manuels seulement. La boîte expressive a disparu, tandis que la Pédale s'est étoffée. Et l'originalité alors ? Pourquoi donc ces changements ?

La réponse est dans la réalisation. Une contrainte architecturale a rendu impossible la construction de l'orgue élaboré au départ. La Commission d'art sacré de Versailles a vivement recommandé, avant de donner son accord, que la verrière de l'abside ne soit pas occultée. Le buffet, en conséquence, devait adopter une répartition en deux corps.
Très bien. Mais que placer dans l'un et l'autre demi-buffets ? Celui de droite inclut le Grand-Orgue ainsi que le Positif en gravures alternées. La console y est placée en fenêtre. Cela fait beaucoup à caser dans le même meuble de 3 m x 2,5 m d'emprise au sol. De fait, il n'est pas possible d'isoler le Positif dans une boîte expressive. La préférence s'est portée sur un choix de jeux intéressant et conséquent.
Bon, et dans le corps de gauche, qu'y met-on ? Les jeux de Pédale, qui supportent mieux d'être éloignés de la console et de l'organiste, tant d'un point de vue mécanique qu'acoustiquement. En conséquence, la Pédale a tout le loisir d'être fournie.
Vous comprenez bien qu'un sommier de Récit ne pouvait pas trouver sa place dans cet édifice, à moins de vergettes de 6 m de long, ce qui n'est pas souhaitable.
Or l'option d'un instrument entièrement mécanique, surtout pour la commande des soupapes, a bien été comprise comme une exigence.

En conclusion, ce que l'orgue a painsi perdu en originalité et en richesse des plans sonores, il l'a gagné en fiabilité mécanique et, d'une certaine manière, en cohérence, dans le sens de consistance. Et puis, ce qui est essentiel, cela a permis à cet instrument d'exister et de venir compléter le patrimoine culturel du plateau alpico-marlychois. Car un orgue d'un seul tenant ne pouvait en aucun cas dégager
jusqu'en bas la verrière de l'abside. Or l'instrument devait s'inscrire harmonieusement dans l'architecture typique de cette église des années soixante, toute d'élan et de clarté.

Un mot sur l'église Saint-Thibaut
Je ne peux pas finir aujourd'hui sans faire un petit (tout petit) tour dans cette église “moderne”. Le plan de l'édifice, construit grâce à la volonté et à l'engagement des habitants du plateau, ne reprend pas le symbole de la croix. Pourtant celui-ci est présent: ce sont les verrières de la flèche haute de 35 m qui forment une croix de lumière, dont la croisée est au centre de l'autel. Aussi, celui-ci est placé juste à l'aplomb de la croix qui
à l'extérieur termine cette flèche.
La nef est constituée d'un seul vaisseau sans pilier, reposant sur des voiles minces en béton décalés les uns par rapport aux autres, qui permettent ainsi de loger entre eux des verrières tournées vers l'autel.
A
u-dessus du narthex, une tribune de quelque 300 places est adossée à un très beau vitrail, large comme la nef. La toiture suspendue, en bois, forme une hyperbole paraboloïde et est parcourue sur toute sa longueur par une verrière qui figure l'axe vertical de la croix de lumière.

Église St-Thibaut, avant rénovation, vue de la nef.

En 1999, la tempête dévastatrice du mois de décembre avait endommagé la toiture recouverte de shingle… provisoirement, depuis 1964. La réparation des dégâts donna lieu à une grande campagne pour parachever les plans de l'architecte : une toiture en cuivre a été réalisée et le chœur a été rénové. Le sol de l'église, qui pendant près de quarante ans est resté en béton brut, a reçu un revêtement thermiquement isolant mais acoustiquement réfléchissant. Une belle réussite, encore une fois à mettre à l'actif des habitants eux-mêmes.

L'orgue arrive dans cet écrin dont l'acoustique peu réverbérante est toutefois chaude et valorisante… pour peu qu'on ne soit pas placé dans l'une des chapelles qui forment comme des oreilles
derrière le chœur mais surement pas des porte-voix.

À suivre, la construction de l'orgue Kern…

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