jeudi 24 janvier 2008

Bienvenue !


Oui, bienvenue à Marly-le-Roi/Le Pecq en cette année 2008 !


Mais pourquoi ? Simplement parce que moi, Ktesibios, je suis heureux de voir qu'un orgue nouveau est en train de naître en ce début de XXIe siècle dans les Yvelines, près de Paris.

Pensez, ce n'est pas rien. D'abord, c'est le fruit du travail d'une association, les Amis des Orgues de Saint-Thibaut, qui a bâti et défendu le projet depuis… 1995 !

Moi, j'en suis fier, évidemment, puisque ce nouvel instrument fait honneur à mon invention, ou plutôt, devrais-je dire, à mes inventions. Car, bien que je ne sois pas musicien mais ingénieur, l'orgue est une des plus belles applications de mes diverses trouvailles, au premier rang desquelles se trouvent le clavier, la soupape et le piston. À côté de cela, j'ai aussi inventé le monte-charge, la clepsydre, l'horloge musicale, le canon à eau et l'hydraule. Ça, c'est l'ancêtre de l'orgue, le plus ancien instrument à clavier.

Une riche idée, le clavier, pas vrai ? Eh bien, cela fait un bail que j'ai mis ça au point à Alexandrie (c'est sur le delta du Nil en Égypte), au IIIe siècle avant Jésus-Christ. C'était un sacré défi, quand j'y pense. Concevoir une machine — car c'est bien cela un orgue,
organon en grecqui joue de l'aulos à la place des musiciens. L'aulos est la flûte à bec des Grecs. C'était un instrument mythique, l'instrument à vent par excellence, opposé à la cithare, l'instrument à cordes préféré d'Apollon. Le souci avec cette flûte, c'est qu'elle joue grosso modo sur l'étendue de la voix d'un ténor. Pour jouer grave, il aurait fallu des paluches énormes, capables de boucher les trous à un mètre de distance. On n'avait pas encore pensé à inventer les clefs de note, comme sur les flûtes traversières, les hautbois ou les clarinettes.

Avec la flûte de Pan, c'est sûr, il n'y a pas de trou à boucher. Mais vous imaginez le bazar, pour faire une flûte de Pan de trois ou quatre octaves ? Justement, je suis parti de cette idée-là, la flûte de Pan. Mais plutôt qu'un type s'époumone à vouloir souffler dans des tubes gros comme son bras (plus le son est grave et plus les tuyaux doivent être grands), je me suis dit qu'on pouvait sûrement trouver le moyen de faire souffler à sa place un appareil (traduction latine : organum).

Bon, à l'époque j'avais pas mal travaillé sur les propriétés de l'eau et sur l'élasticité des fluides. D'où l'invention du piston. Vous suivez. J'ai donc imaginé que le débit d'air pouvait être régularisé au moyen de la pression de l'eau. Le système est le suivant : on a de l'eau dans un récipient cylindrique, une lourde cloche y est plongée. On insuffle de l'air sous la cloche, à l'aide d'un piston. L'air chasse l'eau de la cloche et y compresse l'air. L'eau sous la cloche n'est en effet pas au même niveau que dans le cylindre, puisqu'il faut laisser de la place à l'air. Or l'eau tend à l'horizontalité. Le poids de l'eau imprime ainsi à l'air une pression (à peu près) constante. Grâce au clavier, on peut ouvrir une soupape qui laisse à l'air comprimé sous la cloche le loisir de s'échapper et de souffler à la bonne pression à la base d'un des tuyaux de la flûte de Pan.


Schéma de l'hydraule.

J'ai appelé cet engin hydraulos, parce que ses deux principes sont l'aulos et l'eau (hydros, en grec) qui régularise la pression d'air. Bien entendu, ce n'est pas l'eau qui produit le son… Vous imaginez les glouglous !
L'histoire n'a pas retenu ce nom, mais le terme générique de machine, d'appareil. Pas très poétique. Certes, l'instrument a été amélioré au temps des Romains par un procédé pneumatique de régulation du débit d'air.

Les avantages de mon invention sont multiples : au moyen du clavier on peut faire sonner plusieurs tuyaux à la fois ; grâce au débit d'air constant on peut maintenir une note aussi longtemps que l'on veut, il suffit de jouer les Shadoks et de pomper, pomper, pomper… Et puis, on peut étendre l'échelle des notes du grave à l'aigu, il suffit d'agrandir le clavier.

Allez, allez, je ne parle que de mes trucs d'il y a 2 300 ans. Ça va, je m'arrête là. Promis, la prochiane fois, nous irons au Pecq. Nous évoquerons le projet de l'association des Amis des Orgues de Saint-Thibaut (AOST pour les intimes). À plus.